Faites entrer l’accusé. Philippon, le directeur de la revue La caricature est accusé d'incitation à la Révolte. On lui reproche d'avoir caricaturé le roi de l'époque, Louis Philippe.
Face au tribunal et pour éviter la condamnation, Philippon explique que "tout peut ressembler au roi". Et il se lance dans une démonstration presque mathématique.
Il commence par dessiner le plus fidèlement possible le visage du roi. On ne peut le condamner pour cela. Et si l'on accentue les bajoues et qu’on affine le front, le dessin ressemble toujours au précédent, on ne peut donc pas le condamner non plus.
Et il continue ainsi sa démonstration, accentuant à chaque fois un peu plus les traits pour que le roi ressemble complètement à une poire. Selon lui, on ne peut donc pas le condamner pour avoir caricaturé le roi
Pourquoi tant de remous pour une simple caricature en forme de poire ? Tout d’abord parce que la caricature, phénomène nouveau, est mal tolérée par le pouvoir. Mais le problème réside surtout dans la poire.
"Prendre quelqu’un pour une poire", "être une bonne poire", "être une poire molle" : on ne peut pas dire que la langue française voit d’un très bon œil ce fruit ! Qu’il s’agisse de traiter de naïf ou de faible, ou encore d’insinuer qu’on en a plus dans le ventre que dans la tête, la personne représentée est clairement moquée.
Et si Philippon, puis son caricaturiste Daumier qui reprend le sujet, se complaisent tant dans les caricatures piriformes, c’est avant tout parce qu’ils sont républicains et ouvertement contre Louis-Philippe.
Et bien que Philippon ait été condamné, la métamorphose du roi en poire restera dans toutes les mémoires !